Par : Chaffai Chawki
Des jeunes, des moins jeunes et d’innocents potaches occupent les trottoirs et chaussées pour vendre des Dioules, du pain, des gâteaux, des boissons gazeuses et des sachets noirs. Ces derniers squattent tous les espaces libres disponibles tôt le matin pour exposer des produits modestes rapportant peu de dinars pour acheter le nécessaire pour le F’tour du jour. Dans les grandes communes, à savoir au chef-lieu de wilaya, Ain Beida, Ain M’Lila, Ain Fakroune, cette énergie infantile est encouragée par les parents eux-mêmes pour subvenir aux besoins de la famille. Pour les scolarisés dans les collèges et lycées, les apprenants ratent d’importants cours rien que pour liquider un produit, dans l’une des artères de la cité, que la maman ou le père a préparé le soir ou à l’aube. Ces insomniaques courent parfois dans la rue derrière une clientèle exigeante, rien que pour lui imposer une Besboussa, des Cherbet, Bourek et Zlabia.
Les enfants de la rue ont perdu le sens de la vie puisqu’ils mangent modestement pour vivre et viennent en aide aux parents démunis pour faire goûter un peu de bonheur à une maman chronique et à un père chômeur. “C’est dur, monsieur, je dors à peine quatre heures de temps, sinon je perds ma place dans la grande artère où je vends chaque jour du R’fiss que ma pauvre mère prépare le soir avant le S’hour.” Une confidence faite par Ali, un jeune collégien à Ain Beida qu’on a rencontré par hasard. Ces enfants courageux et adultes par leur esprit sont aidés de temps en temps par des bienfaiteurs et des nantis qui leur donnent un peu d’argent ou les aident par l’achat de leurs produits en fin de journée. Entre scolarisation et vente de nourriture dans la rue et dans les marchés de proximité, ces garçons et ces jeunes filles préfèrent le deuxième choix, car il s’agit de survie. Un grand nombre de garçons est exploité au vu et au su de tout le monde et de la manière la plus inhumaine par des marchands indélicats durant ce mois de piété et de solidarité. Quelques dinars suffisent pour leur rendre le sourire en dépit d’une enfance confisquée et d’une humiliation flagrante de la part de ces riches. Le mois du carême, pour certains demeure comme une période de compassion et d’amour pour les nécessiteux, les veuves, les divorcées et les personnes âgées dans les maisons de vieillards et, pour d’autres, un mois de richesse où l’on encourage la spéculation, la malice, la duperie et le vol.