Par : Hamid Daoui
A travers les ponctions répétées sur les salaires des mécanos de l’entreprise des tracteurs agricoles (ETRAG) d’Oued-Hamimim (El-Khroub), l’incertitude quant à une perspective de sortie de crise semble s’installer durablement.
C’est ainsi que les travailleurs de ce complexe industriel ont observé un débrayage depuis hier, mercredi.
Leurs revendications portent exclusivement sur le règlement de leurs salaires qui accusent un retard de plusieurs jours. Ces mécanos ont toutes les raisons d’être mécontents de leur situation qui se répète épisodiquement depuis ces dernières années. Ils n’ont pas cessé de clamer haut et fort le déclin de leur entreprise déstabilisée par les politiques gouvernementales antérieures avec leurs multiples restructurations industrielles irréfléchies dictées par le néolibéralisme.
Ils craignent la liquidation qui se profile à l’horizon et ses conséquences sur la perte de leurs emplois et leur outil de production.
A cet effet, l’on se souvient de la grève de près de 3 mois et le bras de fer livré avec l’employeur au début de l’année 2019, avant même le déclenchement du hirak révolutionnaire. Les travailleurs ont porté leurs revendications socioprofessionnelles en étroite liaison avec l’avenir de leur outil de production, menacé par la mauvaise gestion caractérisée des managers en poste bien rémunérés pour mener, la crise économique aidant, l’usine vers la faillite annoncée avec la baisse de ses activités et ses produits frappés par la mévente à la suite de l’expiration du contrat d’exportation vers l’Irak. Ainsi que le désengagement de l’Etat à travers ses commandes publiques destinées aux collectivités locales et la suppression des aides et du soutien accordés aux fellahs pour l’achat du matériel agricole, en particulier le tracteur local Cirta, très prisé par les agriculteurs pour son modeste prix, comparativement à celui de concurrent produit par l’ATC Massey Ferguson qui jouit, faut-il le préciser, du privilège de l’utilisation des moyens de production de l’ETRAG avec de surcroît, la pratique des prix exorbitants de ses produits trop chers pour les revenus modestes des paysans.
Cependant, l’irruption soudaine de la pandémie du coronavirus avec ses contraintes objectives de confinement a aggravé la crise sanitaire couplée à la crise économique et systémique durable que le pouvoir en place alimente par son obstination à s’opposer à la rupture salutaire préconisée par le hirak révolutionnaire.
En conséquence, l’entreprise est arrivée à ses limites de redéploiement, voire au bord de la faillite annoncée après les ratages de la période faste de l’embellie financière pour opérer la modernisation de ses équipements et machines, la reconversion de certaines de ses activités segmentées du procès de production et de la mise à jour des aptitudes de son personnel par des formations appropriées.
Aujourd’hui elle n’arrive même pas à payer ses factures énergétiques et honorer les salaires de ses ouvriers soumis, contre leur volonté, à ce qui s’apparente à un chantage. Celui-ci consiste à accepter les ponctions proportionnelles équivalentes à des retenues sur leurs rémunérations de 10%, 15%, 25% et 30% selon le statut catégoriel de la hiérarchie, exécution, maitrise et encadrement ou l’exécution d’un nouveau « plan social » avec tout ce qu’il implique comme dommages directs et collatéraux en licenciements collectifs. Déjà les indices de ce dégraissement du personnel ont débuté avec l’interruption et la diminution des durées des contrats de travail (CDD) issus des dispositifs d’aide et de soutien à l’emploi de jeunes dans l’entreprise à travers le licenciement indemnisé de plusieurs travailleurs.
Ce personnel au statut précaire a saisi la section sociale des prud’hommes de la juridiction d’El-Khroub, à ce moment de l’éclatement de la crise de solvabilité financière.
Pendant ce temps, les partenaires sociaux, syndicat et comités de participation, à leur corps défendant, ont cautionné ces opérations antisociales visant à terme, la liquidation progressive de cet ex-fleuron de l’industrie mécanique vital pour l’économie, en particulier le secteur de l’Agriculture et l’autosuffisance alimentaire dans un monde caractérisé par des crises en cascades et l’incertitude des lendemains.
D’où le recours au « patriotisme économique » qui s’est imposé comme choix politique de tous les pays y compris capitalistes, face aux conséquences de la pandémie qui sévit encore. Par conséquent, un nouveau modèle économique s’impose à notre pays bloqué par le système prédateur néolibéral adossé à la rente, gangrené par la corruption à tous les niveaux. Cette crise exceptionnelle exige des moyens exceptionnels, entre autres le changement de la monnaie nationale pour capter l’argent qui circule dans le circuit informel et surtout la récupération de l’argent volé, détourné par les maffias passées et présentes qui est déposé dans des banques étrangères à l’effet de servir à la relance de cette nouvelle voie de progrès économique et social le plus radical possible.