Par : B. Mustapha
Dans son discours de jeudi soir, le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé la libération d’une soixantaine de hirakistes. Il a ainsi affirmé que 30 condamnés définitifs seront touchés par la grâce présidentielle, alors que d’autres dont les dossiers sont en cours de traitement ou en instruction seront remis en liberté. Le nombre total de « ceux-là avoisine les 55 ou 60, a affirmé le chef de l’Etat ». « J’ai signé un décret présidentiel pour gracier un groupe de détenus, environ 30 personnes, qui ont été condamnés définitivement, et d’autres personnes, qui n’ont pas été condamnées. Au total, entre 55 et 60 personnes qui rejoindront leurs familles, à partir de cette nuit ou demain », a-t-il déclaré.
Les précisions du ministère de la Justice
De son côté, le ministère de la Justice a indiqué dans un communiqué de presse que les mesures de grâce présidentielle accordée par le président Tebboune concerne « 21 condamnés définitifs pour des faits en lien avec l’utilisation des réseaux sociaux ou des actes commis pendant des attroupements ». « Ces derniers ont tous été libérés aujourd’hui vendredi 19 février 2021 », indique le communiqué.
« Les instances judiciaires concernés ont entrepris, aujourd’hui (vendredi), la remise en liberté de personnes impliquées dans des actes similaires et qui ne sont pas des condamnés définitifs. Le nombre global des personnes libérées dans les deux catégories a atteint, au moment où nous écrivons ces lignes, 33 individus », précise le communiqué du département de Zeghmati, avant de conclure que « l’opération se poursuit encore ».
Une impression de déjà-vu
Ce n’est pas la première fois que le président Tebboune fait un geste envers le « Hirak original et béni, qui a sauvé l’Algérie ». A plusieurs reprises, des militants avaient été remis en liberté, dans le cadre de ce qui semblait être des mesures d’apaisement destinées à sortir le pays de l’enlisement politique et de la situation de pourrissement dans lesquels il se trouve depuis près de deux ans. Mais l’apaisement ne finissait jamais par aboutir et on assistait à chaque fois à un revirement de situation de la part des tenants du pouvoir, qui ne pouvaient s’empêcher à chaque fois de recourir au « tout sécuritaire » pour tenter de régler un problème et une crise purement politiques.
En effet, tout le monde se souvient encore du geste du pouvoir le 2 janvier 2020, lorsque 76 détenus du Hirak, dont le défunt Moudjahid Lakhdar Bouregâa, avaient été remis en liberté. Tout le monde avait applaudi, estimant qu’il s’agissait d’un geste fort et d’un premier pas vers le règlement de la crise politique en Algérie. Mais à peine quelques semaines après, c’était le désenchantement pour l’ensemble des observateurs de la scène politique nationale. Les arrestations avaient repris de plus belles. En juillet dernier, Karim Tabou, Amira Bouraoui, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche ont été remis en liberté, dans le même cadre de mesures d’apaisement. Mais cela est resté sans suite. Aujourd’hui, la rue reste prudente et les militants refusent de parler de geste d’apaisement, en attendant de voir la suite et surtout à la veille du deuxième anniversaire du Hirak. Les appels à la manifestation se multiplient sur les réseaux sociaux. On assiste au même scénario qu’en 2019. Avec une crise
multidimensionnelle (économique, politique et sociale) qui ne cesse de s’aggraver et un mécontentement populaire généralisé, les autorités semblent, cette fois-ci, disposés à désamorcer la bombe avant qu’elle n’explose.
Pour d’autres observateurs, ce serait le retour aux « affaires » de l’un des « clans » du pouvoir, habitué à la gestion « subtile » des affaires politiques, qui serait à l’origine de ce changement de stratégie.
Est-ce le début de la fin de la crise politique en Algérie ? Cette décision signe-t-elle le lancement de véritables mesures d’apaisement ? Nous le saurons très vite.