De passage à Annaba dans le cadre de sa tournée ramadhanesque intitulée «Ya El Werchane» (le colombidé ou pigeon voyageur), Manal Gherbi a été, comme à son habitude, accompagnée du célèbre créateur de tenues traditionnelles, Karim Akrouf.
«Le Provincial» était dans les coulisses du Théâtre régional d’Annaba lors de la représentation de l’artiste, pour découvrir de l’autre côté de la scène cette fois, la dynamique qui anime ce duo devenu incontournable sur la scène médiatique nationale.
Elle est une vedette de la TV, figure-phare de la musique andalouse féminine, directrice de l’école d’arts et de musique ACIMA (Académie internationale de musique et des arts), et attend l’obtention de son agrément pour ouvrir sa propre pharmacie. Mais avant tout, elle est la «maman de Iskander», rôle qu’elle n’oublie pas de préciser fièrement chaque fois qu’on lui demande de se présenter.
Lui, reste discret sur sa vie privée. Mais, qualifie fièrement sa marque et sa maison de couture de «mon bébé». Il est membre du jury dans l’émission de mode «The project ruwnay Algerie» pour laquelle il prépare une seconde saison qui sera enregistrée en juillet, cela, suite au succès rencontré par la première saison.
Avec ses 50 défilés entre Moyen-Orient, Europe et Etats-Unis, l’artiste a été nommé 4 fois meilleur styliste dans le monde arabe. Il a, par ailleurs, obtenu un prix pour son travail, auprès de la famille royale du Sultanat d’Oman.
Le soir de son concert à Annaba, Manel Gherbi arrive au Théâtre régional Azzedine Medjoubi d’un pas ferme et à la limite de la synchronisation avec le créateur qui porte la housse de sa robe du soir. Elle jette un œil à la scène derrière les rideaux, histoire de vérifier que tout est sous contrôle.
L’artiste assume vraisemblablement son côté perfectionniste, un peu maniaque de contrôle sur les bords quand il s’agit de son travail.
Pour éviter toute mauvaise surprise lors de cette soirée, elle a fait venir ses partenaires pour la décoration et la sonorisation, sans oublier l’intégralité de son orchestre pour l’accompagner sur scène.
Le temps presse ce soir-là, et la pression se ressent. Dans une dynamique digne d’une chorégraphie, le duo reste «fair-play» et garde le sourire malgré tout.
Il lui sort sa robe de la housse. La dépose sur le canapé de sa loge avant de quitter les lieux en refermant la porte. Manel, s’habille, et ouvre ensuite la porte à son équipe pour entamer son entrée sur scène.
Pendant ce laps de temps, chacun des personnages de ce duo reste focaliser sur son travail et les objectifs de la soirée. Lui, observe sa robe, lui remonte son épaulette sans dire un mot. Il lui demande de mettre ses escarpins pour voir le rendu final. Il est satisfait. Il quitte la loge pour la laisser rejoindre la scène calmement.
Elle, échauffe sa voix au fur et à mesure qu’on retouche son maquillage et ses cheveux. Tout est sous contrôle. Elle enfile donc, ses «slingback» (chaussure à brides plates ouvertes à l’arrière) sous sa gandoura couture chargée de cristaux, pour descendre les escaliers à toute allure, avant d’enfiler ses escarpins hauts de 10 cm à l’entrée de la scène.
Plus tard, lorsque nous aborderons l’aspect multitâche des femmes algériennes lors de notre interview, elle nous confiera : «Pour moi, le secret de la réussite, c’est de viser la qualité et l’excellence dans le travail. Il ne faut laisser aucun paramètre non planifié, non organisé, au risque de voir son travail être compromis (…). Depuis mon jeune âge, j’ai toujours eu des programmes très chargés. Mais, il ne se passe pas une journée sans que je sache ce que je dois faire avec exactitude.
De son côté, Karim Akrouf, lorsqu’il parle de ces créations, nous confie : «Il faut toujours viser plus haut dans le travail. Quand j’ai commencé ma carrière, je rêvais timidement des défilés européens. Dès que j’ai atteint une certaine notoriété, je me suis mis dans la tête l’objectif de l’international. Aujourd’hui, j’ai à mon actif 50 défilés entre Moyen-Orient, Europe et Etats-Unis. Ce n’est pas une question de chance, mais de persévérance et de travail acharné».
Dès les premières questions de leurs interviews respectives, on devine que nous sommes face à des alter egos animés par le désir de sublimer l’art de l’autre.
En effet, elle est l’égérie de la marque Karim Akrouf à temps plein et sa muse par moment. Pour chacune de ses représentations en public, le créateur l’habille et n’hésite pas à lui confectionner des modèles qu’elle sera la seule à porter.
Véritable ambassadrice du patrimoine vestimentaire traditionnel algérien, Manel met en avant les créations de Karim Akrouf à chacune de ses apparitions publiques. Elle est, aujourd’hui, attendue sur scène et à l’écran, aussi bien pour sa musique que pour ses tenues «coutures».
Ce soir-là, elle n’a d’ailleurs pas hésité à faire monter Karim Akrouf sur scène au milieu d’une «standing ovation», comme s’il est partie intégrante de sa représentation.
Les deux artistes se partagent volontiers les lumières et aucun des deux ne semble craindre de briller moins que l’autre. Lorsqu’une journaliste lui demandera le numéro de son agent pour la contacter, elle rira aux éclats avant de lui dire : «Prenez directement le mien ou celui de Karim, c’est mon ami, mon agent, mon styliste, mon fidèle acolyte…».
Quand on dira au couturier que Manel a de la chance d’être habillée par lui, il répondra : «C’est ma meilleure amie, avant d’être mon égérie. Evidemment, que c’est à moi de l’habiller, et puis elle fait honneur à ma marque par son art».
Le duo allie passion et business de manière intuitive, sans efforts, et cela paye!
Les deux représenteront le patrimoine artistique algérien au Salon de l’artisanat et du tourisme de Montréal au Canada en mai. Pour l’heure, ils sillonnent l’Algérie pour la tournée «Ya El Werchane» qui rencontre un franc-succès à travers les wilayas du pays.
Des points communs, ils en ont beaucoup, et c’est avant tout une affaire de passion.
Lorsqu’on abordera le thème de la modernisation du patrimoine musical andalous ou des traditions vestimentaires, les deux sont unanimes : «Il convient de moderniser avec parcimonie, de façon à ne pas porter atteinte à l’essence du chant andalous ou de la tenue algérienne, qui sont tous deux chargés de l’identité d’un peuple avant d’être beau à écouter ou à voir».
Karim Akrouf et Manal Gherbi ont fait le pari de vivre de leurs passions. Un pari risqué lorsqu’on sait que tous deux, ont des vies professionnelles, toutes aussi réussies.
Pharmacienne de formation, Manal Gherbi a quitté une carrière de 15 ans dans l’industrie pharmaceutique pour se consacrer à sa passion.
Lui a fait des études de management à Paris et est resté entre les deux rives à la tête de ces business toujours dans le monde du luxe, avant de quitter son domaine de formation pour aller vers le monde de la couture et du luxe à temps plein.
Au terme de leurs interviews, ils auront les mêmes mots pour les jeunes : «Croyez en vous! Laissez vos passions vous guider, et vous ferez forcement le bon choix»!
Par : Lilia Mechakra