Par : M. Rahmani
Le discours du Président de la République, prononcé hier à l’occasion de la Journée nationale du Chahid, n’a pas laissé indifférent et a suscité des réactions mitigées dans les milieux populaires, certains vont jusqu’à encenser Tebboune pour avoir pris les bonnes décisions, d’autres au contraire disent être déçus, car attendant plus, d’autres encore se disent à moitié satisfaits, le Président aurait pu, selon eux, aller plus loin.
Sur le Cours de la Révolution, hier, et sous très haute surveillance policière, en cette matinée ensoleillée, les discussions vont bon train, commentant l’intervention du Président de la République à la télévision nationale, chacun allant de son analyse propre et donnant son avis sur le contenu du discours en question.
Hacène, père de famille, la quarantaine, se dit très satisfait des décisions prises « car, dit-il, avec la dissolution de l’APN, on se sera débarrassé de cette faune parasite qui occupe l’hémicycle. Je ne généralise pas, car il y en a qui voulaient vraiment servir le pays mais qui étaient noyés dans cette cohue de bandits en col blanc « élus » par la chkara, la corruption et selon le degré de soumission au prince du moment. Cette engeance, qui n’a de loi que le profit et l’intérêt personnel et qui a amassé des fortunes en quelques années, s’est accaparée de tout, détournant à son profit les biens du peuple. Bon débarras ! Enfin, nous avons un Président qui a osé parler ouvertement de la Chkara et de la corruption et qui dit ouvrir les portes toutes grandes pour la jeunesse. Nous avons dû supporter ces députés pendant des années et aujourd’hui nous en sommes débarrassés et même que le Président affirme qu’il y aura de nouvelles élections législatives et cette fois, ce sera vraiment propre et sans interférences aucune, surtout pas celle de l’argent sale et des cooptations et encore moins cette politique des quotas. La parole reviendra au peuple. »
Un autre dit y souscrire pleinement mais pense que cela reste insuffisant comme décisions et il fallait aller plus loin pour se débarrasser de ces gens qui ont envahi toutes les assemblées locales. « Il fallait en finir une fois pour toutes avec ces élus bidon, dit Ahmed, sexagénaire à la retraite, ces élus locaux sont là juste pour faire de la figuration et apparaître occasionnellement, c’est-à-dire lors des commémorations de quelque événement ou fête officielle, autrement ils sont derrière leurs bureaux et ne se soucient guère du sort de leurs villes et de leurs administrés qui les ont « élus », entre guillemets, car je sais personnellement qu’ils ne le sont pas et qu’ils sont là grâce au bon vouloir de certains. Ces élus sont le legs d’un système qui a fait faillite et que le hirak a chassé du pouvoir et il fallait les déboulonner depuis longtemps. Ils sont encore là et profitent de leurs postes. Le Président de la République devra les faire déguerpir au plus vite pour être en phase avec sa politique qui vise à instaurer cette nouvelle Algérie. »
Les femmes ne sont pas en reste et elles aussi parlent de ce discours qui constitue pour elles un événement particulier qu’elles commentent à leurs manières. Certaines y voient déjà les prémices d’un changement qui ne peut être que bénéfique pour le pays tout entier.
La vieille Halima, son couffin à la main, discute à la sortie du marché couvert avec une de ses connaissances. Abordant le sujet en vogue hier, à savoir le discours de Tebboune, elle nous donne son avis tout en exprimant sa satisfaction : « Je suis vraiment contente pour une chose surtout en ce qui concerne la libération des détenus d’opinion. La centaine de jeunes et moins jeunes, emprisonnés depuis des mois condamnés pour certains, pas encore pour d’autres et qui vont être bientôt libérés pour retrouver leurs familles est quelque chose de bien qui apporte du bonheur chez les mères, les épouses mais aussi les frères et sœurs et les pères qui retrouveront ainsi une vie normale. C’est déjà un grand pas vers l’apaisement et c’est une reconnaissance tacite que, quelque part, il y a eu injustice à leur égard. »
D’autres encore y voient juste une manœuvre avec quelques mesurettes censées apporter l’apaisement et mobiliser les citoyens autour de son programme politique, sa vision et les réformes possibles qu’il compte introduire. « C’est un moyen comme un autre de détourner le mouvement citoyen qui veut une rupture totale avec les pratiques de l’ancien système basé sur la corruption, le népotisme et la rapine. Cela arrive juste avant le 2ème anniversaire du hirak pour tenter de le neutraliser en montrant que la Présidence a entendu les appels des citoyens mécontents et a répondu à leurs attentes. A la vérité, il s’agit là d’une sorte d’artifice sans réelle incidence sur la situation qui se dégrade de jour en jour. La corruption est bien ancrée dans l’administration, le népotisme, les appuis et autres moyens détournés pour obtenir des passe droits existent toujours, le chômage fait rage, un système de santé des plus archaïques, une éducation et un enseignement au rabais, bref, les signes avant-coureurs d’une banqueroute et d’une faillite de tout un pays. Et ce ne sont pas ces décisions qui vont changer la situation car il ne suffit pas juste de changer le gouvernement pour nommer un autre que la situation s’améliorera, le mal est plus profond et il faut une thérapie de choc pour que le pays tout entier sorte de ce cauchemar qu’il vit depuis plus de 20 ans. » nous a confié un universitaire rencontré en ville.